Paris

ville photographique

Un petit tour derrière l’objectif

Photographier, c’est mettre sur la même ligne de mire la tête, l’oeil et le coeur.

Paris est peut-être la ville lumière, mais c’est aussi surtout la ville photographique. C’est dans Paris qu’a été prise la première photo d’un être humain. Paris est le royaume de la photographie de rue en noir et blanc, qui a connu ses grandes heures au XXe siècle et continue de nourrir l’imaginaire de la capitale. Qui n’a pas en tête les amoureux du Baiser de l’hôtel de ville, l’enfant de la rue Mouffetard qui porte fièrement ses bouteilles de vins ou l’ombre discrète qui saute au-dessus des flaques de la gare Saint-Lazare ?

Entre images fameuses et découvertes plus méconnues, je vous propose une petite exploration photographique de la capitale.

Henri Cartier-Bresson

Les incontournables

Parler de photographie de rue en noir et blanc, à Paris, c’est forcément avoir quelques grands noms qui sautent à la tête. Impossible de les éviter, ils ont porté le genre à son accomplissement et continuent d’inspirer les nouvelles générations de photographes.

Henri Cartier-Bresson, l’oeil français

Probablement le plus grand photographe français, Henri Cartier-Bresson est connu pour la précision et le graphisme de ses compositions, qu’il a résumé dans le concept d’“instant décisif”. Dans ses séries parisiennes, il souligne les aspects pittoresques ou signifiants de la vie quotidienne. Son excellence maîtrise du cadrage et de la composition est issue de l’influence des surréalistes et de ses maîtres de peinture. Il est un des fondateurs de Magnum, la première agence photographique indépendante. Avant sa mort en 2004, Henri Cartier Bresson a fondé la fondation qui porte son nom, pour conserver et préserver son oeuvre et celle de son épouse Martine Franck.

Robert Doisneau, le merveilleux quotidien

Robert Doisneau est également une figure incontournable de la photographie française du XXe siècle. Il a pris comme sujet principal Paris et sa banlieue, dans la période d’après-guerre, suivant les préceptes de quotidienneté et de réalisme de la photographie humaniste (dont il est un des principaux représentants). Chacune de ses séries est centrée sur un aspect de la vie parisienne : les bistrots, les gamins, les vitrines, les passages et même les métiers en perdition. Ses images, pleines d’humour et d’ironie, transportent dans un monde de tendresse et de nostalgie.

Robert Doisneau, autoportrait de Villejuif, 1949

Ceux qu'il faut découvrir

À côté de ces grands noms évidents, j’avais envie de vous parler de deux noms moins connus, qui sont pourtant les pionniers de la photographie de rue parisienne. Leurs photos nous racontent un Paris disparu, mystique et méconnu, plein de petites rues étroites et de maisons tordues…

Charles Marville, regard sur le Vieux Paris

Charles Marville, avec son nom prédestiné, était le photographe officiel de Napoléon III, et le photographe de la ville de Paris à partir de 1858. Avant que les travaux d’Hausmmann ne commencent, il a donc pu photographier toute la capitale, avec une mission double :

  • conserver la trace des quartiers qui allaient être détruits ou profondément transformés
  • prouver les bienfaits des nouveaux aménagements, qui devaient amener confort et salubrité aux Parisiens.

Ses images donnent une impression fantomatique et presque apocalyptique, avec un Paris toujours vidé de ses habitants. Cela est en fait du aux contraintes techniques de l’époque : la photographie de 1860 nécessite un temps de pose très long (au moins 15 minutes), ce qui ne permet pas de capter le mouvement. Seuls les bâtiments demeurent, grandes formes claires et figées.

Charles Marville, Autoportrait, 1861
Berenice Abbott, Portrait d'Atget, 1927

Eugène Atget, le méthodique

Profondément artiste dès sa jeunesse, Eugène Atget est souvent considéré comme l’inventeur de la photographie moderne. Son approche documentaire et méthodique des paysages de Paris en font le fournisseur principal des institutions culturelles de la capitale, notamment dans sa célèbre série “Paris Pittoresque”. Atget réalise aussi une importante série sur dix ans, qui documente la topographie du Vieux Paris, arrondissement par arrondissement, pour la Bibliothèque historique de la ville de Paris.

Son style photographique se caractérise par un refus de l’imitation picturale, alors très à la mode, et une recherche de cadrage et de lignes de fuite dans des scènes très nettes et détaillées. Contrairement aux trois cités précédemment, Atget ne photographie pas en noir et blanc, mais effectue lui-même tous ses tirages dans des teintes entre le sépia et le brun.

Sa renommée est due à Man Ray et Bérénice Abbott, qui font découvrir son oeuvre aux surréalistes après sa mort. Les photographies d’Atget sont exposées au premier salon indépendant de la photographie en 1928, et deviennent des références des avant-gardes photographiques

Où voir de la photographie à Paris ?

En grand format dans un musée, à l’abri dans une petite galerie ou en plein air, la photographie s’expose partout à Paris. Quelques idées pour continuer à enrichir son regard :

  • la Maison Européenne de la Photographie : pour les experts pointus et les curieux plutôt avant-gardistes. Ne pas rater la très riche librairie et un petit tour du quartier au passage. Entrée (plein tarif sur place) : 13€
  • le Musée du Jeu de Paume : le musée de la photographie à Paris, il valorise la diversité et la richesse de la photographie depuis son invention, avec notamment de grandes rétrospectives. Entrée (plein tarif) : 12€
  • la Fondation Henri Cartier-Bresson : pour découvrir votre nouveau photographe préféré, lors d’expositions temporaires monographiques détaillées. Attention, malgré le nom, il n’y a pas d’exposition permanente du travail de Cartier-Bresson. Entrée (plein tarif) : 10€
  • la galerie Roger-Viollet, qui conserve un des plus grands fonds d’archives photographiques noir et blanc de Paris (huit millions de photos, rien que ça). Entrée : gratuite !
  • les grilles du Luxembourg, où se relaient de grandes expositions qui font faire le tour du monde (et du jardin)