photographe de mode et de guerre

Lee Miller

Femmes photographes (1/4)

À la rencontre des femmes photographes

Pour le mois de la photographie, je vous propose les portraits de quatre femmes photographes qui, chacune à leur façon, ont apporté leur pierre au grand édifice de la photographie. Avant Madrid, Chicago ou Paris, et pour coller à l’actualité cinématographique, on explore les deux côtés de l’Atlantique aux côtés d’une figure unique : Lee Miller.

Choisir une seule image pour représenter Lee Miller est un défi, tant sa vie a été diverse, unique et complexe. Entrant dans le monde artistique comme muse et égérie de mode à New York, puis modèle des surréalistes à Paris, Lee Miller passe rapidement de l’autre côté de l’objectif. Ses photographies de mode témoignent déjà de l’originalité de son regard, décidément surréaliste.

De l’autre côté, son audace la mène au coeur des combats de la Libération de l’Europe, en tant que reporter de guerre. Elle se bat pour que ses photographies de l’ouverture des camps de concentration soient publiées dans Vogue : elles le seront finalement avec pour titre : “Croyez-le”.

Lee ne reviendra jamais complètement de la guerre : sombrant dans l’alcoolisme et la dépression, elle fait encore un peu de photographie, mais se passionne surtout pour la cuisine gastronomique. Elle ne reparlera jamais de la guerre, et c’est seulement après sa mort, en 1977, que son fils Anthony, qu’elle a eu avec le peintre surréaliste anglais Roland Penrose, découvre ses images et les fait redécouvrir au monde.

J’espère que cette introduction à sa vie et son oeuvre vous donnera envie d’en découvrir plus !

Lee et le surréalisme 🪡

Quand Lee Miller débarque à Paris en 1929, la capitale de la France et aussi celle du surréalisme, et le quartier de Montparnasse accueille les artistes du monde entier, et notamment les Américains de la Lost Generation. Elle est alors une mannequin renommée, qui a déjà fait la couverture de Vogue aux Etats-Unis, et veut passer de l’autre côté de l’objectif. Ce sera fait avec l’aide de Man Ray, peintre et photographe américain, qui devient son amant et l’initie à la prise de vue, dans le plus pur style surréaliste. Ensemble, ils redécouvrent notamment la technique de la solarisation, et se partagent les commandes faites à Man Ray. Évidemment, les images sont aujourd’hui toutes attribuées au propriétaire du studio, plus connu, y compris celles faites par Lee.

Leur histoire passionnée s’achève brusquement en 1932, et Lee repart à New York. Man Ray peindra cette toile la même année, et l’intitule « À l’heure de l’observatoire, les amoureux… » Cette bouche rouge qui flotte dans le ciel, c’est celle de Lee, bien sûr, mais la forme représente aussi celle des deux amants enlacés, incarnation surréaliste d’une passion qui se finit.

Le premier studio personnel

C’est évidemment à Montparnasse que se situe le premier studio personnel de Lee, où elle développe son propre style et s’impose comme une photographe de mode surréaliste pleine d’esprit. En 1930, elle ouvre ainsi son premier studio, au 12, rue Victor Considérant, dans le 14th arrondissement.

Faisant la connaissance des membres fondateurs de la bande surréaliste (Eluard, Picasso, Cocteau), elle collabore avec eux, tantôt artiste et tantôt muse. Ses images naissent d’un sens aiguisé de l’incongruité, de la juxtaposition et d’une perception affinée de l’instabilité même dans les scènes les plus quotidiennes.

Ce regard reste une de ses plus grandes forces, qu’elle démontre aussi dans ses clichés égyptiens, pleins de jeux d’ombres et de cadres décalés. Son appareil photo de prédilection est le Rolleiflex. On verra que ce n’est pas la seule photographe de notre série à aimer ce type de prise de vue carrée, où l’appareil est posé sur le ventre. 

La baignoire d'Hitler 🛁

En 1944, grâce à son obstination, Lee obtient son accréditation militaire pour être reporter de guerre à la suite des armées de libération. Débarquant en France en août, elle documente le siège de Saint-Malo avant de rejoindre Paris. Accompagnée de David Scherman, photographe de Life (et son amant), ils suivent la vie quotidienne des soldats jusqu’en Roumanie, à travers les territoires tout justes libérés. En avril 1945, ils découvrent les camps de concentration de Dachau et de Buchenwald. Les images de Lee seront parmi les premières à témoigner de l’horreur du système concentrationnaire auprès du public américain.

Miller et Scherman se rendent ensuite à Munich, où ils s’installent quelques jours dans l’appartement privé d’Hitler, occupé par des soldats américains. Ils se photographient dans tout l’appartement abandonné, et notamment dans la baignoire d’Hitler, créant une des images les plus fortes et les plus symboliques. Le hasard du calendrier veut que ce jour-là soit celui où Hitler, acculé à la défaite dans son bunker, se suicide. 

Sur le cliché, Lee prend un bain. Sa pose est pudique et elle nous regarde bien en face. Sur le rebord de la baignoire, un portrait d’Hitler. Ses bottes, couvertes de la poussière des camps, salissent le beau tapis de bain. Pas besoin d’en dire plus. 

Si vous voulez continuer votre découverte, vous pouvez aller voir :