la mystique colorée du quotidien
Ouka Leele
Femmes photographes (4/4)
À la rencontre des femmes photographes
Pour le mois de la photographie, je vous propose les portraits de quatre femmes photographes qui, chacune à leur façon, ont apporté leur pierre au grand édifice de la photographie. Pour finir cette série en beauté, après les photographes de rues, de guerre, de mode et les collectionneuses, on part à la découverte d’une figure originale et amusante : Ouka Leele.
Ouka Leele est une figure majeure de l’exploration artistique explosive de la Movida madrilène. Rêvant de créer des images toujours plus surprenantes et colorées, la photographe de Madrid nous replonge au milieu des années 80 avec une joie unique.
L’avant-garde artistique espagnole des années 80 💥
Ouka Leele est née à Madrid en 1957. Dans l’Espagne de Franco, la jeune fille se rêve peintre et perçoit bien les limites du monde moralement et culturellement étroit du dictateur vieillissant. Elle dira plus tard avoir vécu dans un monde en noir et blanc. Pas étonnant alors que dès la chute du régime, Ouka Leele participe à l’explosion avant-gardiste et colorée qui prend le nom de Movida.
Dans une rencontre entre photographie, cinéma, musique et mode, Ouka Leele trouve sa place en étudiant la photographie dans l’école du Photocentro. Dès sa première exposition, Peluqueria (le salon de coiffure), elle s’impose comme une artiste majeure de l’esthétique flamboyante des années 1980 naissantes, grâce à ses couleurs vives et sa technique unique.
Une technique colorée unique 🌈
Le premier mot qui peut être utilisé pour décrire les images de Ouka Leele, c’est la couleur. Pourtant, elle n’aimait pas la photographie en couleur, qu’elle voyait comme un mensonge : on croyait voir les vraies couleurs des choses, alors qu’elles étaient transformées par l’appareil.
Ouka Leele adopte donc une technique différente et très personnelle. Réalisant des photographies en noir et blanc, elle peint ensuite les couleurs qu’elle souhaite à l’aquarelle, jouant avec les effets de contrastes, de transparence et de lumière. Elle photographie à nouveau le résultat, pour réaliser des agrandissements qui, sur papier photo brillant, donnent la pleine mesure de la vivacité des couleurs.
Le résultat final, ce sont ces images originales et surprenantes, souvent drôles ou bizarres, à la frontière du rêve et du réel. Les impressions produites par les grands aplats de couleurs tranchantes ne laissent jamais indifférents, dans l’esprit du surréalisme et de l’esthétique pop.
L’autre atout majeur de ses oeuvres, c’est la force de ses compositions, toujours travaillées dans la réalité avec beaucoup de soin. Des portraits entourés d’objets flottants aux scènes mythologiques construites avec plus d’une dizaine de personnages, Ouka Leele démontre son attachement au récit conté par ses images (ce qui explique sans doute le profond lien d’amitié artistique qui la lie au réalisateur Pedro Almodovar).
Pourquoi Ouka Leele ?
C’est poussée par cette envie de raconter des histoires que Ouka Leele a aussi créé son propre personnage, en adoptant le nom d’une étoile imaginaire inventée par son ami El Hortelano, artiste lui aussi. Prendre le nom d’une étoile, cela voulait dire affranchir le regard des clichés de genre, d’âge et de nationalité, pour pouvoir offrir l’oeuvre sans préjugés.
C’est ainsi que Bárbara Allende Gil de Biedma est devenue Ouka Leele, pour exprimer sa vision du monde dans une multitude d’arts, de la photographie à la poésie en passant par la peinture.
Et la bonne nouvelle, c’est qu’Ouka Leele est actuellement exposée ! A l’occasion du mois de la photographie, vous pouvez venir admirer ses oeuvres en taille réelle avec une médiatrice culturelle dédiée (moi).
C’est avec plaisir que j’ai découvert cette figure unique et chaleureuse, et son style hors-du-commun qui fait le lien entre des influences diverses à travers le monde. J’adorerais vous la faire découvrir également !