la femme aux six millions

de photographies

Hélène Roger-Viollet

Femmes photographes (2/4)

À la rencontre des femmes photographes

Pour le mois de la photographie, je vous propose les portraits de quatre femmes photographes qui, chacune à leur façon, ont apporté leur pierre au grand édifice de la photographie. Après Lee Miller, la photographe de mode et de guerre, on découvre un nouveau personnage, dont la vie mériterait aussi un film !

Hélène Roger-Viollet est une photographe et collectionneuse qui a passé littéralement toute sa vie à prendre et à protéger des images, les sauvant de l’oubli et de la destruction, avant que les grands musées commencent à s’y intéresser vraiment. Cette précurseuse était une femme moderne, qui aimait voyager et raconter des histoires, et qui a fondé une des premières et plus importantes galeries de photographie du monde : on part à la rencontre d’Hélène Roger-Viollet.

Une famille de photographes 👨‍👧

Son amour de la photographie, Hélène le tient de son père, Henri, qui a lui-même pris ses premiers clichés sous la houlette de son frère aîné, à l’âge de onze ans. Henri a tout de suite eu un instinct de collectionneur, puisqu’il référence scrupuleusement les photographies prises dans un petit cahier, avec toutes les informations de l’image.

Son sujet de prédilection ? La modernité de son époque. Il assiste notamment aux grandes expositions universelles qui transforment Paris et documente la construction de la tour Eiffel. Amateur de trucages photographiques et grand chercheur visuel, il crée des vues en “bilocation”, où il se représente deux fois sur le même cliché, avec des prédictions visuelles qui n’ont rien à envier aux surréalistes.

Hélène est sa fille aînée, et il lui transmet sa passion et toutes les techniques de laboratoire pour le développement des images qu’ils prennent ensemble.

Henri Roger-Viollet entouré de ses filles, vers 1922 ©️Roger-Viollet

 

Une femme engagée dans le monde ✊

À la suite de son père, et alors que la femme est encore considérée comme une mineure par la société, Hélène se dirige vers le journalisme et milite aux côtés de Louise Weiss, la grande suffragette européenne, en faveur du droit de vote des femmes.

En 1936, Hélène est, par hasard, la première photographe étrangère à documenter la guerre d’Espagne. Alors qu’elle se trouve en Andorre pour raconter les premiers congés payés du Front Populaire, avec son compagnon, ils rencontrent des Espagnols fuyant les combats. Ce premier grand reportage photographique connaît un vaste succès dans les journaux et lance la carrière d’Hélène.

Elle continue à témoigner de son époque, avec son Rolleiflex, notamment lors de grandes croisières autour du monde. Il faudra cependant attendre 2021 pour qu’une exposition soit exclusivement consacrée à son travail, qui était auparavant indissociable de celui de son mari (les négatifs n’étaient pas signés). Pour les différencier, il a fallu faire appel à la logique et aux cadrages : comme Hélène était plus petite que son mari, elle tenait son appareil beaucoup plus bas.

Collectionneuse et archiviste 📔

Si on connaît Hélène Roger-Viollet aujourd’hui, c’est aussi parce qu’elle est à l’origine de l’une des plus vastes collections de photographies du monde, qu’elle a commencé à assembler dès 1938, et qu’elle poursuivra toute sa vie.

Avec son père, Hélène fonde la Documentation Générale Photographique Roger-Viollet et ils ouvrent une petite boutique rue de Seine, à la place d’une librairie déjà spécialisée en photographie.

Le père et la fille récupèrent et achètent des fonds d’archives entiers : des négatifs, des tirages, et toutes sortes de support (cartes postales, plaques de verre)… Ils sont alors précurseurs dans leur domaine et permettent de sauver des milliers d’images qui auraient certainement été perdues sans eux.

L’agence survit à la Seconde Guerre mondiale et devient, dans les années 1960, une référence mondiale de l’actualité photographique. En revanche, la fin de la vie d’Hélène est tragique : en 1985, alors qu’elle est âgée de 84 ans, elle est assassinée chez elle par son compagnon de vie, Jean-Victor Fisher. Sans enfant, elle lègue ses collections à la ville de Paris.

Alors, la prochaine fois que vous passerez rue de Seine, ou que vous regarderez une vieille photographie d’illustration, pensez à chercher Roger-Viollet : vous verrez que la descendance d’Hélène est encore vivace !