la photographe mystère
Vivian Maier
Femmes photographes (3/4)
À la rencontre des femmes photographes
Pour le mois de la photographie, je vous propose les portraits de quatre femmes photographes qui, chacune à leur façon, ont apporté leur pierre au grand édifice de la photographie. Après Lee Miller et Hélène Roger-Viollet, on part à la recherche d’une photographe bien plus secrète et mystérieuse : Vivian Maier.
Vivian Maier est une énigme pas tout à fait résolue. Alors qu’elle est une des photographes de rue les plus prolifiques de son temps, avec des dizaines de milliers d’images à son actif, elle ne les a practiquement jamais montrées à personne, et certains n’ont pas été tirées ni développées. Il a fallu l’intervention hasardeuse de quelques collectionneurs pour que son travail soit enfin vu, et aujourd’hui reconnu dans le monde entier.
Alors commençons notre enquête, pour découvrir le mystère Vivian Maier.
Une “Mary Poppins” énigmatique 🤫
Vivian Maier est une femme très secrète, née à New York en 1926, d’un père austro-hongrois et d’une mère française. Elle découvre la photographie assez jeune, probablement auprès de l’artiste Jeanne Bertrand, une amie de sa mère. Dans son enfance, elle vit aussi plusieurs années en France, dans un village reculé des Alpes, d’où est originaire sa mère. Dans cette vallée de Champsaur, où elle reviendra à plusieurs reprises, on se rappelle encore de sa manie de photographier le quotidien banal du travail des champs et les magnifiques paysages que les gens du coin ne voyaient plus. C’est pendant un de ces séjours, en 1950, qu’elle commence à faire de la photographie : elle ne s’arrêtera plus.
De retour aux Etats-Unis, Vivian travaille quelques temps comme ouvrière avant de se fixer comme nourrice, pour le reste de sa vie. Elle exerce pour de riches familles qui la logent, la nourrissent et l’emmènent en vacances, s’occupant des enfants et parfois des personnes âgées. Les enfants dont elle s’est occupée racontent une femme excentrique, dans le genre Mary Poppins toujours prête à partir à l’aventure, qui les emmène explorer la ville et la campagne à la recherche de nouvelles choses à apprendre. Parmi ses manies, Vivian a un attrait pour la collection de journaux, qu’elle empile dans sa chambre (toujours fermée à clé) et emporte avec elle dans ses habitations successives.
Certains enfants témoignent aussi d’histoires moins plaisantes, voire d’actions qui touchent manifestement à la maltraitance infantile. Il semble que Vivian appréciait la liberté de son métier, mais qu’elle avait une vision très arrêtée de l’éducation des enfants, sans grande tendresse. À la fin de sa vie, Vivian vit une existence très modeste, quand elle est recueillie par les trois fils Gensburg, dont elle avait été la nourrice pendant 17 ans. Elle reste auprès d’eux jusqu’à sa mort en 2009.
Ce que les témoignages d’enfants mentionnent aussi, c’est bien sûr son appareil photo, toujours pendu autour de son cou.
Une photographe hors-pair
La liberté offerte par son métier, Vivian l’utilise donc pour prendre des photos. Son sujet favori ? La ville et ses habitants, notamment à Chicago. La photographie de rue occupe la majeure partie de ses images, avec un sens particulièrement aigu des cadrages et des situations surprenantes ou tragiques. Elle affectionne ainsi les unes de journaux à faits divers et réalise un grand nombre d’autoportraits, souvent avec des jeunes de déguisement ou de reflets.
L’appareil que Vivian utilise, le fameux qu’elle a toujours autour du cou, est un Rolleiflex, un modèle de marque allemande de très bonne qualité, qui prend des images carrées. C’est un bon appareil pour prendre des photographies en cachette, parce que l’image n’est pas prise à hauteur d’oeil, mais portée basse, sur le ventre. L’angle est toujours légèrement en dessous des visages, ce qui donne souvent une impression de force au sujet.
Beaucoup de ses images les plus touchantes viennent d’un voyage qu’elle fait autour du monde dans les années 1950. Voyageant seule, elle explore notamment l’Inde, l’Egypte et le Yémen.
Vivian Maier est aujourd’hui reconnue comme une des plus grandes photographes de rue du XXe siècle, un genre que les femmes se sont moins approprié que les hommes. Sans doute en raison du danger encouru (notamment quand le sujet n’a pas donné son accord, ou lors de périodes de tensions politiques) et aussi parce que les femmes n’ont jamais bénéficié d’autant de liberté dans l’espace public.
Une découverte au hasard 🔍
En 2007, un jeune historien amateur de brocantes achète dans une vente aux enchères une grande boîte de négatifs, qu’une photographe inconnue a laissé dans un garde-meuble qu’elle n’a plus les moyens de payer. Vous le devinez, cette photographe, c’est Vivian Maier.
Le jeune collectionneur, John Maloof, commence quelques temps plus tard à numériser ces images, qu’il trouve très bonnes. Son travail d’enquête, de publication et de valorisation des photographies de Vivian Maier a conduit à la reconnaissance internationale de son travail.
Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez regarder le beau documentaire de John Maloof et Charlie Siskel sur l’enquête : Finding Vivian Maier.